« Il est un peu tôt pour
prendre un kir, vous croyez ?
Le barman : Oui, c’est un
peu tôt, on va prendre un café. »
D’accord, la vieille dame est
d’accord. Elle pose son journal sur le comptoir, ôte son petit bonnet de laine
et fais la gueule, histoire de marquer le coup. Merde, elle a pas eu son kir.
Un coup d’œil discret sur ma
montre : 9h22
J’étais là, distraite, les yeux
plongés dans la circulation du Boulevard des Invalides, au chaud à savourer mon
café allongé à 3€, quand cette petite phrase est tombée dans mon oreille.
Je repensais à « la mère à Kevin » que
j’avais rencontrée le dimanche d’avant, en passant récupérer mon fils qui était resté dormir chez un copain, « la mère à Kevin » que j’avais sagement
écouté me raconter sa vie-son œuvre durant 1 heure et demi devant un café et
trois gâteaux libanais, claqué la bise comme si on se connaissait depuis 20 ans
et jaugé rapidement qu’on pouvait loger, à l’aise et sans que ça déborde sur le
jardin, mon petit 2 pièces dans le RDC de sa maison.
J’étais donc là, tranquillement à
me dire que j’étais vraiment asociale, à critiquer à tout va (C’est pas de ma
faute, c’est Simone
que je viens de finir de lire justement, avec ses « On ne naît pas
asociale, on le devient ») quand cette petite dame est entrée pour
commander son kir.
Et sa petite phrase est venue
résonner comme une devise, un mantra que les gens se choisissent pour
se motiver ou trouver le fil rouge de leur vie, du genre « A cœur vaillant, rien
d’impossible », « Jamais sans ma fille », « Le côté
obscur de la Force, redouter tu dois », ...
Je crois que je vais la garder,
celle-là et la prendre à contre-emploi et me dire, les jours où j’ai besoin
d’un peu plus de réconfort :
« 9h22, un peu tôt pour un kir ! »